dimanche 4 novembre 2007

TEMOIGNAGE

Abus apprentissage

Je suis enseignante dans un CFA, voilà maintenant un peu plus de 2 ans.
Je voudrais dire qu'il n'y a pas que la gratuité de l'apprentissage qui n'est pas respectée. Les apprentis subissent bien d'autres abus.
Je leur enseigne entre autre la VSP. Une grande partie de mon programme concerne la législation du travail. Pendant ces cours, mes élèves "se lâchent" et osent me parler de leurs conditions de travail. Et là, je réalise que la moitié de mes élèves, si ce n'est pas plus, subissent de réels abus.
Des gamins qui travaillent sans contrat, d'autres qui n'ont jamais vu un bulletin de paie. Mais le problème le plus fréquent ce sont les heures.
Un charcutier par exemple, me racontait l'année dernière qu'il avait bossé 90 heures en une semaine pendant les fêtes de fin d'année ! Non seulement son patron ne lui avait pas payé ces heures "supplémentaires", mais en plus il lui enlevait de l'argent sur sa paie sous prétexte qu'il avait manqué des cours de gym au CFA.
Mais je voudrais dénoncer aussi le comportement des dirigeants du CFA. Dans cette même classe de charcutiers, un jeune qui faisait lui aussi un nombre d'heures astronomiques en entreprise (non payées) manquait souvent les cours au CFA. Quand je lui ai demandé pourquoi il m'a expliqué que le CFA avait consenti à ce qu'il "dépanne" son employeur en début d'année (j'ai vu le mot sur son carnet). Son employeur a ensuite pris l'habitude de l'appeler chaque fois qu'il en avait besoin, et ceci sous couvert du CFA !
Combien de fois aussi le CFA demande aux apprentis de noter dans leur carnet, que tel jour, pour telle raison, ils sont "mis à disposition" de leur employeur !!
Il y a aussi des problèmes d'un ordre plus pédagogique : un peintre carrosserie qui n'a jamais fait de peinture chez son employeur, un boucher qui ne fait que de la plonge, une coiffeuse qui ne fait que balayer… Là non plus, je n'ai jamais vu les dirigeants du CFA réagir.
Récemment, j'ai accompagné un de mes jeunes auprès des responsables de son secteur pour qu'il leur parle de ses problèmes en entreprise (retourne en entreprise le samedi de sa semaine de CFA, son patron le fait "dépointer" quand il a fait ses heures normales, et bien sûr heures sup non payées). Le responsable a demandé au jeune de d'abord essayer de faire intervenir ses parents ! Il m'a ensuite clairement fait comprendre qu'il ne fallait pas froisser l'employeur ! Mais il m'a assuré qu'il ferait son enquête. Aux dernières nouvelles, il enverrait une prof faire une visite dans l'entreprise…
Une dernière instance à dénoncer, ou plutôt deux : l'inspection du travail et le rectorat. Il faut littéralement les harceler pour qu'ils bougent ! Là aussi, j'ai des exemples concrets en tête.
Je recense au maximum tous les cas de mes jeunes qui subissent des abus en entreprise. La liste est longue et navrante. Mais ce qui est le plus navrant c'est qu'ils sont seuls, il n'y a aucun contrôle ni surveillance, aucune structure d'écoute et de soutien (au fait pas d'infirmerie ni d'assistante sociale dans notre bahut). Ils ont peur de parler, mais les rares qui le font n'ont aucun appui.
La création du syndicat apprenti l'année dernière m'avait donné l'espoir les choses changent. Mais ce syndicat n'a pas pu se développer, il a été littéralement étouffé et pas seulement par les dirigeants des CFA.

Aucun commentaire: